Qu’est-ce que le DSM ?
Le DSM (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) est la classification des maladies mentales élaborée par l’Association des psychiatres américains (A.P.A.).
Ce catalogue des troubles mentaux, établit la distinction entre normal et pathologique, définit des termes et des critères et s’est imposé depuis les années 80 comme la référence unique, la bible mondiale des pathologies mentales.
Sa première version qui date de 1952 répertoriait 108 catégories de pathologies mentales. La version actuelle, le DSM IV TR, en com pte 410. La prochaine mouture en préparation, le DSM V, déjà partiellement dévoilée et qui doit être publiée en 2013, devrait enregistrer plusieurs douzaines de catégories supplémentaires.
Le comité qui supervise l’élaboration du DSM-V est composé de 28 psychiatres, dont 16 gardent de forts liens financiers avec l’industrie pharmaceutique.
Il faut savoir que 95 des 170 experts qui ont participé à l’élaboration du DSM-IV en 1994 avaient des liens financiers avec l’industrie pharmaceutique au moment de voter pour l’inclusion des «nouveaux troubles.
Comme l’écrit Christopher Lane[1] : « Avis aux américains : si vous passez des heures à surfer sur le Web, si vous faites plus souvent l’amour qu’un psychiatre vieillissant ou si vous n’arrêtez pas de vous plaindre du gouvernement et de ses dépenses injustifiées, prenez garde ! Vous faites peut-être partie des 48 millions de malades mentaux que compte déjà notre pays selon l’A.P.A. Si l’A.P.A. persiste dans cette voie en 2012, elle pourrait considérer que les maladies mentales touchent… la moitié de la population du pays. »
2. L’extension du domaine de la pathologie et l’inflation diagnostique
Le DSM accumule les catégories en répertoriant des « troubles » qui peuvent être des traits de caractère, des manifestations normales passagères ou des symptômes isolés. Ils n’ont pas nécessairement de caractère pathologique mais le DSM les érigent en maladies mentales. En élargissant ses critères d’inclusion pour définir un « trouble », le DSM conduit à des faux diagnostics positifs et à des pseudo épidémies. Ainsi, l’invention des « troubles du spectre autistique » a conduit à multiplier par 1000, en une dizaine d’années, le taux de prévalence de l’autisme.
Plus inquiétant encore, le prochain DSM prévoit des catégories prédictives, recensant à l’avance, de supposés futurs « troubles ». Il invente avec les « syndromes de risque », le malade potentiel qui pourra être traité préventivement. Le « syndrome de risque psychotique », par exemple, autorisera à mettre sous anti-hallucinatoires bon nombre d’adolescents jugés « originaux », pour le plus grand bonheur des entreprises pharmaceutiques.
3. Le DSM, le Canada Dry de la scientificité
3. a. Une escroquerie scientifique
Le DSM prétend être « athéorique » et satisfaire aux critères scientifiques de la « médecine fondée sur les preuves» (Evidence Based Medecine). En réalité, il repose sur des présupposés idéologiques et accumule les biais méthodologiques. Le choix et le contenu des catégories retenues ne relève pas de l’observation clinique mais de la seule opinion de leurs concepteurs afin de constituer un catalogue de disorders sans cohérence, aux limites floues, mêlant normal et pathologique ainsi que considérations cliniques et morales (celles des WASP). De cette façon, l’incivilité devient une maladie mentale. Le petit garçon de 4 ans qui s’agite sur sa chaise en classe est susceptible d’être étiqueté TDAH (Trouble De l’Attention avec ou non Hyperactivité) et se voir prescrire un traitement par Ritaline.
3. b. La mort de la clinique et la dictature de la norme
En ne s’intéressant qu’aux manifestations et comportements les plus visibles, le DSM abandonne l’examen et l’investigation clinique, ignorant une grande partie de ce que disent ou montrent les patients. Il cesse de comprendre les pathologies dans leur globalité et dans leur contexte. Non seulement il élimine a toute hypothèse mettant en jeu une conflictualité psychique, mais aussi toute approche compréhensive de la personne, de son affection et de son histoire. Le DSM envisage les personnes comme les exemplaires d’une espèce statistique ou comme des machines dont le programme dysfonctionnerait. C’est le présupposé de la pathologie pensée comme écart par rapport à une norme comportementale et conçue comme un déficit fonctionnel organique.
4. Le DSM est dangereux
4.a. La stérilisation de la pensée et de la recherche
Le DSM régresse au positivisme du 19ème siècle. Il renoue avec des théories dépassées, ignorant les apports de la science contemporaine. Il ne tient pas compte des connaissances nouvelles, telles que les avancées concernant la neuroplasticité.
En s’imposant comme référence unique, le DSM nous prive des apports de l’interdisciplinarité et de la pluralité des approches. Il empêche les débats et les échanges. Il stérilise la pensée et la recherche et entrave les progrès de la connaissance. Le DSM appauvrit l’enseignement. Il conduit à une formation pauvre et limitée pour les nouvelles générations de professionnels du soin.
4.b. Le DSM nuit à la santé
Le DSM invente des maladies qui n’existent pas. Il oriente vers des traitements inutiles et dangereux. Il porte atteinte aux possibilités dynamiques et évolutives des personnes, et particulièrement des enfants dont l’étiquetage diagnostique précoce modifie le regard et le comportement de l’entourage. Il est source de nouvelles difficultés et souffrances et conduit à la ségrégation et la marginalisation.
Le DSM pousse à la surmédicalisation : au sur-diagnostic et à la sur-prescriptiondes médicaments psychotropes, dont les risques sont insuffisamment évalués. Il tourne le dos à toute réflexion et efficacité en matière de santé publique.
5. Le DSM, l’ami américain des laboratoires pharmaceutiques
Le DSM est soumis à l’influence des laboratoires et coûte inutilement cher. Il fabrique de nouvelles maladies, conçues sur mesure pour les grandes entreprises pharmaceutiques qui cherchent à recycler leurs molécules obsolètes, et génère une augmentation inutile des dépenses de santé. Ses concepteurs sont corrompus par les grands laboratoires[2]. Les catégories choisies se trouvent aujourd’hui congruentes avec les attentes du marché des médicaments.
6. L’exemple du TDAH[3]
Près de 20000 enfants prendraient de la Ritaline en France – ce qui est encore loin des 55000 enfants anglais, des 3 millions de canadiens et des 7 millions de petits américains. De nombreux adultes américains l’utilisent aussi comme stimulant.
Les laboratoires pharmaceutiques Novartis, Janssen et Shire, producteurs de la Ritaline, Concerta LP et Quasym – les 3 formes de chlorhydrate de Méthylphénidate mises sur le marché – viennent d’envoyer un courrier2, en septembre 2012, à tous les médecins prescripteurs et pharmaciens français pour les mettre en garde sur les règles de prescription et les effets secondaires de cette molécule amphétaminique, proche du Mediator. Ils rappellent qu’il s’agit d’un stupéfiant susceptible de causer de nombreux risques.
On peut s’interroger sur cette initiative qui survient après les nombreuses années de diffusion de ces traitements et leur administration croissante aux enfants, sans qu’on ait jusqu’alors fait beaucoup de publicité aux dangers de cette drogue sur-prescrite. Nul doute que ces laboratoires soient en train de prendre les devants et d’ouvrir le parapluie au cas où les choses tourneraient mal, comme dans le scandale du Mediator.
Le TDAH – ce pseudo syndrome que l’on pourrait attribuer à la moitié de la population infantile et adulte – est un excellent exemple de catégorie fourre-tout et sans validité clinique rigoureuse que promeut le DSM, sur mesure, pour écouler massivement une drogue pharmaceutique.
Faudra-t-il attendre que de graves accidents soient révélés pour en finir avec la chimère dangereuse du TDAH ?
7. Pourquoi en finir avec le DSM ?
Les classifications nosographiques sont susceptibles d’évolutions et de débats contradictoires. Plusieurs référentiels et classifications peuvent coexister sans qu’un modèle unique soit prescrit à tous les usages. La classification internationale des maladies mentales, validée par l’OMS, s’avère nécessaire pour les études épidémiologiques et la recherche. Elle doit être élaborée par des instances représentatives plurielles, indépendantes de tout groupe de pression – en particulier pharmaceutique.
Pas de modèle unique en psychiatrie
S’il doit y avoir consensus, c’est celui de la pluralité des approches : seule véritable garantie pour les patients et pour le progrès des connaissances.
Promouvoir les classifications alternatives
D’autres classifications, indépendantes et cliniquement mieux fondées, existent ou sont actuellement à l’étude.
Libérer la recherche et l’enseignement de l’emprise du système unique
La pensée unique DSM stérilise la recherche et appauvrit la formation des professionnels.
Se dégager de l’influence mercantile des laboratoires pharmaceutiques
Les états et l’OMS doivent garantir l’indépendance des classifications des maladies vis-à-vis des entreprises pharmaceutiques et assurantielles.
Mettre un terme à la catégorisation précoce abusive dangereuse des enfants
[1] Christopher Lane, Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions, Flammarion, 2009.
VOIR : Liens d’intérêts financiers entre comité d’experts du DSM-IV et l’industrie pharmaceutique, Titre original : “Financial Ties between DSM-IV Panel Members and the Pharmaceutical Industry”, Lisa Cosgrovea, Sheldon Krimsky, Manisha Vijayaraghavana, Lisa Schneidera. in Psychotherapy and Psychosomatics, 2006 ; 75 : 154-160 (vol. 3, avril 2006). Traduction française : José Morel Cinq-Mars, Tristan Garcia-Fons avec la contribution de Francis Rousseau.
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